Pour qui connait Metz, le célèbre cinéma Caméo-Ariel ne devrait pas être un secret. Lieu de rencontre de tous les cinéphiles de la ville, le cinéma Caméo-Ariel a ouvert ses portes le 31 janvier 1973 et les aura refermées le 29 aout 2018. Pendant 45 ans donc, on y aura vu de nombreux films en avant-première, des plus comiques aux plus tragiques. Cependant, au-delà de son histoire très liée avec le cinéma, c’est davantage le patrimoine culturel urbain que cet édifice incarne qui suscite les plus vives émotions auprès des Messins. Monument pour certains et lieu de rencontre pour d’autres, le cinéma Caméo-Ariel vaut bien une petite historique.
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« Mademoiselle de Joncquières », le chant du cygne du Caméo-Ariel
Ayant annoncé des films cultes comme « Le Flingueur » de Michael Winner ou « La femme en bleu » de Michel Deville, « Mademoiselle de Joncquières » d’Emmanuel Mouret aura signé de sa fin heureuse, celle du Caméo-Ariel. En effet, ce célèbre cinéma auquel s’identifient avec amour de nombreux Messins a fermé ses rideaux pour le plus grand désarroi de ses usagers. Ainsi, pour tous les Messins qui voudraient une réhabilitation du célèbre cinéma, le 29 aout 2018 aura été plus qu’une date de fermeture, la fin d’une époque. Et pourtant, ce triste moment auquel plus d’un Messin aurait pu s’attendre s’apparente bien à celui encore plus funeste du cinéma Modern à Montigny. Celui-ci, trois ans avant la création du Caméo-Ariel, avait fermé ses rideaux sur un « Samoa, fille sauvage », un titre de film aussi dévastateur que prémonitoire. À cet effet, il faudrait reconnaitre qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil. Ce qui suppose que les cinémas ont toujours fermé leur porte quand ils ne remplissaient plus les normes ou quand ils ne sont plus rentables. De ce fait, le Caméo-Ariel n’aurait donc pas dérogé à la tradition.
Retour sur l’histoire d’un lieu
Comme si l’histoire du Caméo-Ariel n’était pas suffisante pour mettre plus d’un cinéphile en émoi, le bâtiment abritant le cinéma Caméo situé 24 rue du Palais — 57 000 — Metz est un monument au sein de la ville messine. Très caractéristique d’un style architectural mêlant classicisme et baroque, on y retrouve aujourd’hui des logements, des commerces et des entreprises privées. Mais, bien avant que le Caméo n’intègre ses murs en 1973, ce bâtiment avait abrité un « palais de la soie ». Ce dernier avait aussi pris la place d’un ancien hôtel, et ainsi de suite.
Avant le Caméo-Ariel, il y avait le palais de la soie
Construit par l’architecte Robert Dirr, l’édifice abritant le Caméo-Ariel fut à une certaine époque un grand magasin destiné à la vente des tissus. C’est d’ailleurs de cette activité que lui vient son surnom de palais de la soie. Ce nom qui n’a d’ailleurs complètement pas disparu de la bouche des Messins contribue à alimenter un certain charme pour l’édifice. Construit de mai 1913 à avril 1914, il a abrité pendant longtemps le magasin Salomon Frères dont les propriétaires opéraient aussi bien dans l’ameublement que dans la vente de tissus. En effet, en remontant un peu dans le passé de cette enseigne, on se rend compte qu’elle était entre temps située rue Paul-Bezanson, avant d’être délocalisée dans le nouvel édifice construit au cours des années 1913-1914.
Le palais de la soie comme on l’appelle couramment ou pour faire plus contemporain le cinéma Caméo-Ariel aura en 2020 presque 107 ans d’existence. Aujourd’hui, malgré toutes ces années traversées, l’édifice marque toujours la différence dans la ville messine. Il a été influencé dans son architecture par l’occupation allemande qui dura entre 1871 et 1919.
Metz ayant été annexé à cette époque à l’Empire allemand, on raconte à cet effet que les nationaux de ce pays développèrent des constructions de type allemand et préférèrent à la vieille ville une nouvelle ville qu’ils marquèrent de leur empreinte par de grands bâtiments.
Ceux-ci, construits à l’angle des rues, étaient très imposants et s’identifiaient des autres bâtisses par leurs frontons triangulaires et leurs colonnes ioniques. Le palais de la soie recevra en plus de ces caractéristiques architecturales une touche baroque signée de son architecte Robert Dirr. Par ailleurs, l’influence allemande sur l’édifice s’en trouve encore prononcée avec l’intervention de Willy Reue, jeune peintre allemand de l’époque qui marquera de son pinceau une scénographie dite des quatre saisons. Cette dernière était représentée par des chérubins, des anges qui ne manquent de sublimer encore l’attrait que l’immeuble a sur les riverains. Il faudra ajouter à ce majestueux décor celui non moins intéressant du dessin des bambins représentés sous les quatre arcs du bâtiment.
À l’emplacement du palais de la soie se trouvait la banque Simon
À l’emplacement où fut construit le palais de la Soie se trouvait la banque Simon. On raconte que celle-ci avait occupé les lieux pendant une bonne partie du XIXe avant d’être rachetée par un rentier et historien messin du nom de Gabriel-Auguste Prost en 1851. Néanmoins, celui-ci n’y restera pas longtemps puisqu’il mourut en 1896. Presque 14 ans plus tard, le premier projet de construction du magasin des frères Salomon fut déposé par Robert Dirr ; les deux années qui ont suivi sont marquées par la naissance de la bâtisse aux formes imposantes que nous connaissons aujourd’hui.
Le « Klub » pour remplacer le Caméo — Ariel
Le Caméo-Ariel a laissé un très bon souvenir à tous les Messins. D’ailleurs, tous ceux qui ont connu ce cinéma appellent la mairie de Metz, propriétaire depuis les années 2000 des lieux à investir dans le Caméo afin de le mettre aux normes. En effet, si le Caméo se distingue de tous les autres cinémas de la ville, c’est parce qu’il fut le premier cinéma multisalle de Metz. On y retrouvait 4 salles, dont :
- une salle de 300 places au rez-de-chaussée ;
- une salle de 300 places au sous-sol ;
- deux salles de 100 places au sous-sol.
Par ailleurs, les cinéphiles pouvaient avoir droit à des salles insonorisées, climatisées et équipées de fauteuils confortables et modulables. Tout un charme qui a marqué plus d’un Messin à une époque ! À tout cela s’ajoutent les nombreux forfaits offerts par le cinéma aux Messins et qui contribuaient à le rendre encore plus populaire.
En outre, le second facteur qui joue en faveur de l’importance du Caméo est le bâtiment dans lequel il se trouve. Ce dernier constitue un patrimoine historique et architectural pour de nombreux Messins. À ce titre, le Caméo est presque un symbole. Cependant, il y a bien une réalité en face, qu’il faudra considérer. En effet, si la mairie de Metz rechigne à investir dans le cinéma, c’est parce que sa remise aux normes couterait beaucoup trop cher. C’est pourquoi les autorités ont très tôt fait de trouver une alternative : le Klub.
Le Klub est le nouveau cinéma qui remplace le Caméo. Il a ouvert ses portes le 30 août 2018. À cet effet, si vous allez sur des sites dédiés aux programmations cinématographiques, vous ne verrez plus de programmes cinématographiques au nom du Caméo. Recherchez donc désormais le Klub de Metz. Alternative plus ou moins heureuse au Caméo, le Klub n’est rien d’autre que l’ancien cinéma St Jacques du centre-ville rénové à coup de millions. Le groupe Kinépolis auquel a fait appel la municipalité a injecté plus de deux millions d’euros pour pouvoir le réhabiliter. Ainsi, avec lui disparait peut-être pour toujours un ciné ayant rythmé l’histoire de toute une ville, un ciné ayant marqué pendant 45 ans au gré de films et de comédies la vie de toute une commune.